samedi 15 mars 2014

J’ai la terre qui tourne...

«Cuba, c’est là que j’ai appris comme il est important d’être toujours optimiste, courageuse et débrouillarde. Ici, j’ai surtout appris à voir le bon coté en toute chose.

J’espère bien que tu développeras aussi toutes ces qualités en grandissant. Tu es un peu cubain(e), toi aussi, après tout !»

«Le journal de Zoé Pilou à Cuba», extrait
collection "J'ai la Terre qui tourne"
Mango Jeunesse


6eme semaine à Cuba, la dernière...

Nous laissons Vinales et Luis pour rejoindre la côte nord. Nous en avons déjà eu un aperçu au Cayo Jutias et nous décidons de faire un dernier plongeon dans l’eau turquoise du golfe du Mexique.

Route de terre jusqu’à Palma Rubia. Une dizaine de maisons, une coopérative agricole, un embarcadère pour Cayo Levisa et une casa en plein champ, celle de Mario et Antonia. Etant donné que c’est l’unique maison qui a le droit d’accueillir des étrangers dans le coin, pour une fois, nous réservons notre point de chute pour trois nuits.

Les enfants ont à peine le temps de regretter Luis puisqu’on rencontre Léo, français lyonnais de 9 ans qui voyage avec ses parents.

Partie de campagne avec Grégorio, le frère du propriétaire, qui nous emmène pour une ballade à travers champ nous faisant observer, renifler, goûter toutes les plantes des alentours. Un véritable herboriste. Etonnant ce riz qui peut produire jusqu’à 1800 grains à partir d’un seul !

Partie de pêche aussi. Les baracudas sont au rendez-vous, jusque dans notre assiette ! Les paysans s’extasient devant la bobine de fil de pêche de Thierry, c’est si dur à trouver ici...

Partie de plage le lendemain tous ensemble à Cayo Levisa qui est INTERDIT aux cubains ! Allez savoir pourquoi. Je demande, on me répond que c’est la loi (Tiens, je répondrai ça aux enfants à leur prochain «pourquoi»). La Floride est à 150 kilomètres au nord, ont-ils peur que les cubains détournent le bateau à moteur qui nous emmène sur l’île en trente minutes ? C’est vrai qu’à Cuba, on ne voit quasiment aucune embarcation à moteur... à voile non plus d’ailleurs. Une île quasiment sans bateau, sacrée punition pour le pays.

On se sent un peu comme des extra-terrestres lorsque l’on embarque... mais qu’est ce que c’est beau !
Alors on oublie tout et on fait l’étoile de mer au milieu de ces dizaines d’étoiles, réelles celles-là. Rouges, grises, oranges... des dizaines dans le lagon turquoise.

Et puis ça y est, Gaston jubile : cela fait 33 jours qu’il attend notre retour à la Havane pour assister au tir de canon à 21h de la forteresse San Carlos de la Cabana par des soldats en tenue du 18e siècle. Cette fois on y est, après 3h de trajet en Dodge turquoise de 1954 ! Soirée magique pour lui qui comptait les jours sur son calendrier et pour nous aussi, le coucher de soleil sur toute la capitale est magnifique.

Dernier jour de notre périple, on retrouve à nouveau Adalio, l’ami de Dany, la maitresse de Gaston, et Orlando chez Coppelia, le glacier qui est une véritable institution pour les cubains : une queue de 300 mètres de long pour une boule de glace au chocolat ou à la vanille. Une salle pour les cubains (0€50 la boule), une autre pour les touristes (2€50 la boule). J’avais déjà vu cela, mais c’était en 1980 à Pékin en Chine où il y a avait un magasin pour les touristes et celui pour les chinois...

On raconte tout notre périple à Adalio qui nous raconte sa participation le 17 avril 1961 à la bataille de la baie des cochons (voir notre 3e semaine). Il avait alors 30 ans. Il nous dit que personne n’était préparé à cette attaque de mercenaires anti-castriste, mais que c’est avec son coeur qu’il est allé défendre son pays. On aimerait qu’il nous raconte ses 83 années...

Dernière nuit illuminée par les éclairs d’un violent orage qui secoue la Havane. Lever à 5h du matin. Gaston vomit à 5h50 au comptoir d’enregistrement puis à 6h20 dans le casier en plastique de contrôle des bagages de la douane. Une sorte d’au-revoir symbolique à cette administration qui lui avait tant fait peur lors de notre arrivée... Bientôt 6 ans et déjà beaucoup, beaucoup, beaucoup de question sur le droit et la liberté.

Alors voilà, l’avion s’envole, nous quittons Cuba nos valises, certes moins lourdes qu’à l’aller, mais remplies de souvenirs de rencontres, d’échanges, de moments uniques. Emile, Lucie et Gaston nous ont épatés, chacun à leur façon : Emile pour sa détermination à tout connaître notamment de la nature et des papillons, Lucie pour sa facilité de communication et d’échange avec les gens rencontrés quelque soit la langue et Gaston pour sa capacité à développer un imaginaire lié à chaque nouvel environnement... Ils ont chacun tenu quotidiennement un journal de bord fait de récits et de dessins, parfois avec envie, parfois sous la contrainte, mais le résultat est extra. Merci à eux d’avoir joué le jeu et de nous avoir suivis dans notre envie d’aventure !

Et pour une fois :

Ce que les parents aiment à Cuba :
- les pina-coladas, les mojitos et autres cocktails à base de rhum et de soleil
- l’hébergement en casa particular choisie in-situ, nous avons partagé le quotidien de 7 familles en 40 nuits et pour rien au monde nous serions aller dormir à l’hôtel
- la simplicité du contact avec les gens, les cubains sont curieux et aiment discuter, quel plaisir d’avoir choisi un pays dont nous parlions la langue...
- la variété des paysages : la mer, la terre, les palmiers, les fleurs, le ciel, les chemins...
- la découverte d’une société particulièrement marquée par son histoire, du colonialisme à la révolution
- la langouste, bien qu’on se demande d’où elle vienne puisqu’on n’a jamais rencontré de pêcheur de langouste !

Ce que les parents ont du mal à apprécier à Cuba :
- la répétition quotidienne des repas à base de riz, haricots noirs en sauce, banane-plantain frits... merci d’éviter de nous en servir dans les 6 prochaines semaines...
- les chasses d’eau (Thierry a maintenant un brevet de réparateur)
- le chant des coqs a 1h30, 3h15, 5h02... Ici les gens disent que les coqs chantent à l’heure de leurs ancêtres venus d’Espagne, d’Angleterre, du Nigeria...
- l’aboiement des chiens (avec un museau de teckel, des pattes de fox terrier et une queue de labrador) à 1h47, 3h55, 5h12...
- la fatalité, induite par une société de non-consommation et donc de non-service : la poste n’a plus de timbre, la banque ferme plus tôt aujourd’hui, le restaurant n’a pas d’eau en bouteille, la chambre n’a que 3 lits au lieu de 5, le café est forcément sucré, etc.

El dia de los quince... par Lucie

Me voici avec Diana, 16 ans maintenant...

Le plus grand jour de la vie d’une cubaine, c’est le jour de ses 15 ans ! Ca s’appelle «el dia de los quince».

Pour toutes les jeunes-filles, c’ est la même chose : une grande fête et surtout une séance de photos dans un studio professionnel !

Chacune garde en souvenir un album de photos et parfois même un poster géant d’elle accrochée dans le salon de la maison comme chez Dounia et Luis à Vinales.

Pour les photos, la jeune fille se fait faire une manucure particulière : les ongles sont rallongés avec une sorte de plastique (de l’acrylique) et colorés puis dessinés avec du vernis. Elle se fait coiffer différemment pour chaque robe qu’elle porte, environ une vingtaine. C’est le studio qui lui prête les robes...

Parfois sur les photos on ne reconnait pas Diana ! On dirait une princesse...

On fête aussi ses autres anniversaires, mais celui-là est très particulier pour les cubaines.
Et pour les garçons, il n’y a rien de prévu...


vendredi 14 mars 2014

Changement dʼadresse... par la famille Jouannet


Veuillez noter notre nouvelle adresse à compter du 6 mars 2014 : Cayo Jutias,
Plage des mangroves,
Cuba 

 
Nous avons élu domicile dans cette cabane tout confort :
- pieds dans l
ʼeau
- lits de sable fin
- cuisine au barbecue, langoustes et poissons selon arrivage de la pêche - air conditionné par la météo

- toilettes sous le palétuvier 
 

Une chambre dʼamis vous y attend !






Pour information, aéroport le plus proche : La Havane, environ 5 heures de route.

Les magasins cubains... par Juliette


Difficile de trouver les mots qui exprime lʼambiance dʼun magasin cubain, il me semble quʼil vous faudra voir pour croire... Malgré tout, voici quelques éléments descriptifs, du vécu !
Pour comprendre le système de distribution, il faut savoir plusieurs choses :
  1. 1)  Depuis 1962, chaque foyer cubain recensé reçoit en début dʼannée un «libreta», carnet de rationnement, qui lui permet de sʼapprovisionner pour un certains nombre de denrées à un prix fixe. Le carnet indique les personnes présentes dans le foyer et le magasin, bodega, dans lequel le foyer peut se rendre chaque mois pour récupérer ses biens. Ainsi pour la «vie courante», la «libreta» donne droit par mois et par personne à 2,5 kg de sucre, 3,5 kg de riz, 500 g de haricots noirs, 200 g de sorte de pâte de soja, 450 g de poulet, 10 oeufs, 2 dl dʼhuile de friture, 115 g de café et une petit pain par jour. Bon appétit pour le mois ! On estime que le «libreta» ne permet de se nourrir quʼune dizaine de jours en réalité... 
      
     

  2. 2)  La majeure partie de la population est employée par lʼEtat (environ 88%) pour une durée de 40h par semaine et un salaire mensuel moyen de 420 pesos, ce qui signifie 17 CUC soit 12 mensuel environ. Ainsi on comprend vite que le pouvoir dʼachat est extrêmement faible et ne permet pas dʼacheter des denrées importées. Pour un cubain, un tube de dentifrice représente 50% de son salaire mensuel... 

  3. 3)  On est donc dans un système de débrouillardise, même en ville : quelques poules donc des oeufs, des arbres fruitiers, un couple de cochons qui font beaucoup de petits, et des vendeurs ambulants dʼail, de tomate ou de pain. Les cubains ne vont que très rarement au magasin. Mais malgré tout 80% des revenus sont consacrés à lʼalimentation...
Mais quand on est touriste et que lʼon veut acheter une bouteille dʼeau ou quelque chose à grignoter ? 

Il y a quelques boulangeries, panaderias, qui ressemblent à de grands entrepôts avec une petite fenêtre qui donne sur la rue. Là on peut, sʼil y en a, acheter du pain blanc sous deux formats différents : individuel ou long de 30 cm. Rien dʼautre, bien que lʼatelier de fabrication soit immense ! Ces commerces sont dʼEtat. 

A la Havane ou à Trinidad, on peut trouver, si lʼon cherche bien, ce quʼils appellent ici des «supermarchés». Double porte, enseigne, caissière. Deux rayons : lʼun remplis de bouteilles, alcool en majorité mais aussi sodas locaux et eau. Lʼautre avec des boites de conserves (pulpe de tomate, lait concentré), de la moutarde, du ketchup (!) de lʼhuile et quelques paquets de biscuits du type Oréo. Impossible par exemple de sʼacheter de quoi faire un pique nique même avec de la créativité... Par contre on est content dʼy trouver de lʼeau et des jus de fruits et quelques biscuits : jour de fête pour les enfants ! 
 

A Playa Giron ou à Placetas, lorsque lʼon demande innocemment si lʼon peut trouver une bouteille dʼeau ou un paquet de biscuits, tout le monde vous dit que «oui, bien sûr, sans aucun doute, au magasin central !». Alors on marche jusquʼà lʼunique commerce du village, ou plutôt lʼunique commerce dans un rayon de 30 kilomètres. Jolie enseigne peinte généralement sur la façade colorée du bâtiment. Horaires dʼouverture affichés de 7h à 11h et de 15h à 19h. Mais pour quoi faire ?!?!?!?! 
 

A lʼintérieur du fameux magasin, trois personnes, au moins. Une assise devant la caisse, une appuyée sur la même caisse nonchalamment, lʼautre assise sur une caisse, en bois celle-là. La radio diffuse de la salsa, souvent. Et derrière un grand meuble de rayonnage en métal quasi vide : rien que des matières premières transformables, comme du riz, des haricots rouges, du sucre... en gros les denrées du «libreta». Pas dʼeau, pas de fruits, pas de biscuits. En fait, on ne peut rien y acheter à moins de pouvoir cuisiner. Rien.
Mince, on nʼa plus dʼeau. 
 

Heureusement les Casas aident les touristes en les approvisionnant en eau. Ouf ! Entre nous, sʼils avaient lʼidée de nous revendre aussi des biscuits, ils seraient riches...

Et puis il y a les marchés, avec ses bouchers-charcutiers... De quoi vous rendre végétarien pour le restant de vos jours ! «DIs maman, la viande quʼon mange, cʼest celle- là ? Mais non voyons, bien sur que non...» 
 

Un jour, au milieu de notre séjour, jʼai retrouvé, au fond du sac, une fin de paquet de bonbons menthos aux fruits que jʼavais acheté pour lʼavion. Il y en avait un par personne. Les enfants salivaient, ils lʼont savouré en guise de dessert, pour une fois. Et Emile a dit avec le sourire : prochain bonbon dans 3 semaines ! 

Je ne vous parle pas des magasins de vêtements ou de décoration. Nous nʼen avons pas vu. Il semblerait que les magasins de «libreta» reçoivent de temps à autres une livraison dʼun produit alors cʼest la queue pendant des heures... Exemple à Vinales où une cinquantaine de personnes attendait leur tour pour acheter... de la lessive ! 

Et pour lʼanecdote, pour mon anniversaire, Thierry a cherché à se procurer une de ces pâtisseries colorées que lʼon aperçoit brièvement dans les mains des gourmands. Il a réussi à trouver la maison du dulcero de Vinales mais, surprise, il faut une AUTORISATION spéciale pour commander un gâteau ! Cʼest donc Dounia, la maman de notre casa qui sʼest prêtée au jeu du pâtissier pour mon plus grand plaisir ! 

En conclusion, à Cuba même si vous avez envie de dépenser de lʼargent, vous ne pouvez pas. Cʼest une société de non-consommation comme lʼa voulue, à lʼorigine de la révolution, Fidel Castro. Alors bien sûr, le temps de 6 semaines ça nous a fait sourire... mais au quotidien, cʼest plus que pénible pour les cubains qui manque de tout. 

PS : les photos ne sont pas truquées... 









La tortue et lʼurubu, conte de Cuba... par Emile, Lucie et Gaston


Saint Pierre offrait un banquet. Naturellement, il y aurait de la musique, on chanterait, on danserait. Comme il demeurait en haut du ciel, il nʼy avait guère que les oiseaux qui pouvaient sʼy rendre. Ils sʼenvolèrent tous dès les premières heures du jour et e bruit de leurs ailes finit par réveiller lʼurubu, le vautour cubain. 

Lʼurubu dormait dans son profond sommeil de vautour, sa tête pelée enfoncée sous son aile, digérant les charognes quʼil avait mangées la veille. Il entrouvrit ses paupières tombantes, comprit ce qui se passait, se dit : «moi aussi, je veux être de la fête», se hâta vers le ruisseau, se lava, sʼébroua, se fit aussi beau que possible : il était prêt. 

Il allait prendre son vol lorsquʼil entendit une voix flûtée qui sortait de lʼherbe, à coté de lui.
- Je peux partir avec toi ?
Il baissa les yeux : c
ʼétait une jolie petite bête, dont les courtes pattes et la tête sʼagitaient sous une carapace brillante et lisse - pour tout dire, une tortue. En ce temps-là, les tortues avaient la carapace beaucoup plus belle quʼaujourdʼhui.
- Comment feras-tu pour aller là-haut, toi qui n
ʼas pas dʼailes ?
- Je monterai sur ton dos.
L
ʼoiseau accepta et ils sʼenvolèrent. 

La tortue, mal installée, sʼaccrochait aux plumes, manquant de tomber. Elle se plaignait sans cesse : «tiens-toi droit... Tu vas de travers... Ne vole pas si vite... Dépêche-toi... Cʼest fou ce que tu peux sentir mauvais...»
Ces réflexions ne plurent pas à l
ʼurubu, qui avait la complaisance de la transporter. mais il ne répondit pas. Ils arrivèrent à la fête en retard, le banquet se terminait, de sorte quʼon les plaça au bout de la table.
 

Pour profiter de tous les plats, il leur fallait se dépêcher. La tortue avait un petit appétit. Elle se contenta de fraises et de salade. Lʼurubu, toujours affamé, se jeta sur la nourriture. Il avalait goulûment, éparpillait les morceaux autour de son assiette, faisait du bruit en mangeant. Bref, cʼétait un paysan, qui nʼavait pas de belles manières.
Soudain la tortue, en chipotant dans son assiette, s
ʼécria de sa voix distinguée, assez fort pour être entendue de tous les invités :
- Quel goinfre l
ʼurubu fait ! Vous lʼavez vu ? Il sʼempiffre comme un cochon !
Comme tout le monde le regardait, l
ʼurubu, le bec encore plein, sʼarrêta de manger et le rouge de la honte lui monta à la face. Dʼailleurs, depuis ce jour-là, sa tête décharnée est demeurée rouge.

Lʼoiseau resta silencieux, mais, à part lui, il se jura de se venger de la tortue.
Quand la fête se termina, il voulu repartir seul.
-  Tu ne ramènes pas la tortue ? lui demanda Saint Pierre en ouvrant les portes du ciel. 
-  Où est-elle ? Eh bien quʼelle vienne ! fit lʼurubu avec brusquerie, en jetant sur la petite 
en jetant sur la petite bête un regard mauvais.
 
Saint Pierre sʼen aperçut, mais déjà lʼoiseau et sa compagne descendaient à toute vitesse. Comme ils sʼapprochaient de la terre, lʼurubu ralentit. Il cherchait des yeux un rocher. Dès quʼil en trouva un, il fonça, se retourna brutalement, si bien que la tortue tomba. Elle tomba 
à lʼenvers sur le roc, où sa carapace se fracassa et vola en éclats.
 
Saint Pierre a le regard perçant. Il envoya son serviteur au secours de la pauvre bête. Celui-ci la remit sur pattes et, tant bien que mal, la recolla.
Voilà pourquoi aujourdʼhui la tortue a une carapace rapiécée et brunâtre, faite de plusieurs morceaux. 
 
  • 18 contes de Cuba, Françoise Rachmuhl, Castor Poche 
     

5eme semaine à Cuba


Plus près du paradis, à Vinales.
Il nous aura fallu 5 heures de route pour passer de la mer des Caraïbes à la terre du Ciel.
Vinales se situe à 190 kilomètres à lʼOuest de La Havane, en pleine campagne, au coeur dʼune vallée entourée de ce que lʼon appelle les mogotes, sorte de collines couvertes de végétation que lʼon trouve également dans la fameuse Baie dʼHalong au Vietnam. Sauf quʼà Vinales ces mogotes ne sont pas entourées dʼeau mais de champs de tabac verts, si verts, de palmiers qui touchent le ciel et de terre rouge comme celle de Roland Garros (dixit Emile). 
 
Après une première ballade sur les chemins du village, nous choisissons notre casa en bordure de champ. Cʼest chez Dounia et Luis Alleman, et leurs enfants Diana, 16 ans, et Luis (!), 12 ans, que nous allons passer cette semaine au vert et rouge.
Dounia a 35 ans, la peau mate, elle cuisine les frijoles et la langouste, sʼoccupe du chat, des 2 chiens et des 4 chiots qui sont nés dans son jardin il y a un mois et veille sur ses hôtes étrangers. Luis, son mari, joue au baseball dans lʼéquipe du village qui est en demi- finale ce week-end contre la brillante équipe de Pinar del Rio... Il nous dit quʼil travaille dans les champs mais on ne lʼy voit pas. Il a un physique dʼathlète américain, et une casquette américaine, elle-aussi. Et les yeux très bleus.
Diana a 16 ans, elle révise quasiment tous les soirs sur la table de la salle à manger, avec son petit-ami, ses cours de biologie et de littérature espagnole. Elle passera le bac lʼan prochain. Et quand elle ne révise pas, elle se promène, toujours avec son petit-ami, bras dessus, bras dessous, dans les rues de Vinales sous un grand parapluie coloré qui les protège du soleil.
Luis a 12 ans, un petit cheval sans nom, attaché à un arbre au bord dʼun ruisseau, quʼil rejoint tous les soirs pour monter à cru, un lance-pierre pour tirer les urubus et un cri de ralliement pour appeler ses copains du quartier. «Dice la Pipo» hurle Gaston à tout venant !
Nos journées sont désormais rythmées par les horaires de lʼécole de Luis. Dès 15h30, apparemment les professeurs sont absents donc le collège se termine plus tôt, nous le retrouvons à la casa et nous le suivons, filet à papillons en mains, à travers les champs...
Papillons et libellules, champs dʼananas, de manioc, de riz, fleurs tropicales et arbre du diable à épines... Il est notre guide et ses yeux bleus le font passer pour notre fils ainé ! Emile, Lucie et Gaston sont sous le charme, permanent. Emile traque avec lui le terrible caballito del diablo, insecte volant noir de plusieurs centimètres, dont la piqure est extrêmement violente. Lucie lui apprend à compter en français et discute en espagnol, tout à coup quasi-bilingue. Gaston joue des heures avec lui au prisonnier, au cowboy et au lasso, fasciné... 

En attendant Luis pendant ses heures dʼécole, nous explorons lʼunivers du tabac : des champs où ont lieu en ce moment les récoltes à la main, aux granges où sèchent les feuilles, à la fabrique où sont triées et déveinées les feuilles qui seront ensuite roulées en cigare à Pinar del Rio, à une trentaine de kilomètres... A voir lʼintérêt de Thierry pour le processus, on pourrait croire quʼil va rapporter des plants de tabac dans le Berry ! 
 
A moins que Thierry ne pense à sʼinstaller ici... Car le voilà parti deux heures avec notre voisin, Julio, 45 ans, campesino, et son cheval. Julio lui donne même une de ces chemises vertes de paysan ! Les deux copains boivent du rhum, fument des cigares et se baladent en calèche entre les mogotes... 
 
Au cours dʼune de nos randonnées, on nous indique un vieil arbre sacré dont il faut faire le tour trois fois et faire trois voeux. Gaston a dû demander quʼon arrête de lui répéter inlassablement de mettre ses lunettes de soleil puisque son voeu se réalise : plus de lunettes quelques heures plus tard !
On visite les grottes cachées sous les mogotes, on boit des pina-coladas au milieu des champs dʼananas et des cocotiers, on suit les paysans qui labourent leur champ avec leurs boeufs, on se balance sur une chaise à bascule sur le perron dʼune bicoque à coté dʼune grand-mère qui trie les haricots noirs tout juste cueillis...
Autant dire que la semaine est vite passée, trop. Avec délice.
Et cela sans oublier notre excursion une journée à Cayo Jutias, île couverte de mangroves et dʼune longue plage vierge devenue presquʼîle puisquʼune digue a été construite pour accéder à ce bijou. Les Jouannet ou la vie sauvage... Retour à la casa pour un violent orage qui nous laisse imaginer ce que peut être le passage dʼun ouragan ici. Le dernier a provoqué une dizaine de jours sans électricité, villageois confinés dans les maisons avec chiens, chats, oiseaux et provisions pour plusieurs jours. 
 
Et sans oublier non plus mon anniversaire, où jʼai été couverte de bracelets de graines et de coquillages, de dessins et de poème... et où Thierry a remué tout le village pour obtenir un gâteau dʼanniversaire ! Séance mémorable de manucure avec Lucie dans une petite maison à coté de la casa : on a évité les longs ongles en acrylique, mais par contre on a eu droit aux étoiles dessinées sur les ongles bleu turquoise ! Dîner de fête à la Casa Don Thomas, la plus vieille maison coloniale, avec un «feliz compleano» joué par lʼorchestre traditionnel...
La vie est douce à Vinales, pour nous en tous les cas. 
 

Ce que les enfants aiment :
- s
ʼexercer à faire tourner un lasso pour attraper... une poule
- apprendre à lancer une balle de baseball, sport national
- commencer enfin à acheter des souvenirs, jusque là on ne voulait rien transporter
- jouer avec les quatre petits chiots de Nina, la chienne de Luis, qui ont à peine un mois - rouler des cigares avec les feuilles de tabac que l
ʼon ramasse dans les champs

Ce que les enfants ont du mal à apprécier :
-  remettre des vraies chaussures pour arpenter les champs de tabac... 
-  grignoter des goyaves encore vertes avec du sel ce que font les cubains  
-  ne pas bénéficier de la même liberté que Luis, 12 ans, qui vit sa vie après lʼécole dans la campagne -  retirer la tique bien harnachée dans la peau française
 -  la route faite de nids de poules qui mènent à Cayo Jutias (mais non Gaston, il nʼy a pas de poussins dedans...)

vendredi 7 mars 2014

Al momento ! ... par Juliette

Si vous vouliez suivre nos traces à Cuba, ce serait assez simple... Depuis notre premier
jour à la Havane nous semons des photos instantanées sur notre chemin !
Grace aux pellicules que vous nous avez données, nous laissons derrière nous beaucoup
de sourires qui sont maintenant coincés dans un rétroviseur, accrochés à la porte dʼun
vaisselier ou soigneusement rangés dans un portefeuille...

Ces photos instantanées font partie de notre quotidien : «quieres una foto al momento ?».
Effet de surprise parfois, mais jamais, non jamais, de refus : une pose et un flash plus
tard, échanges de sourires, puis dʼune poignée de mains, puis de deux, puis
embrassades...
Cʼest fou lʼeffet que ça a !
Ces photos «al momento» sont dʼexcellents outils de communication :
- pour amorcer une conversation, ces jeunes danseuses à Trinidad ont invité Lucie à leur
cours de salsa,

- pour ne pas vexer un vendeur ambulant, ce marchand de cacahuètes à Cienfuegos,
tellement content, nous interpellait à travers lʼavenue pour nous remercier,

- pour être initié à un art, cette tisseuse de chapeau de palmes nous a gardés à ses cotés
un moment à Trinidad

- pour quʼon nous joue de la musique, ce voisin de 74 ans, Llillo, nous berçait les aprèsmidi
de forte chaleur à Playa Gijon

- pour sceller des amitiés qui démarrent, cette petite cubaine de 8 ans, Mily, est devenue
lʼinséparable de Lucie à Trinidad

- pour nous faire passer pour des magiciens, ce petit garçon de Placetas et cette petite
fille de Trinidad nʼen revenaient pas de se voir apparaitre sur du papier

- pour remercier, tout simplement, cette après-midi passée avec le prêtre de Placetas et
les enfants était unique...

Tout ça rien quʼavec une photo !
Nous nʼimmortalisons pas toujours le moment avec lʼappareil numérique mais en tous les
cas chacun de ces instants est gravé dans notre mémoire...
Merci encore à tous ceux qui ont participé à cette distribution de sourires, quel plaisir cʼest
pour nous, et pour ceux qui les reçoivent !!!





Les papillons de Cuba... par Emile

Cuba est une île tropicale située entre le Golfe du Mexique et la Mer des Caraïbes.
On y trouve beaucoup de variétés différentes de papillons.
Il y a des papillons communs que lʼon peut trouver un peu partout, il y a même des
espèces que lʼon retrouve en Europe comme les Piérides ou les Azurés. Le plus commun
que jʼai rencontré, quelque soit lʼenvironnement, est le Nymphale Cendrée, un papillon gris
clair avec des motifs noirs et orangés. Jʼen ai attrapé plusieurs.

Il y a des papillons tropicaux, plus rares, comme lʼUrania ou le papillon Trêfle Caraïbe que
je nʼai aperçu quʼà Vinales (à lʼouest de lʼîle). La chenille de lʼUrania, contrairement aux
autres chenilles, peut manger toute sorte de plante. LʼUrania vole très haut, se pose
rarement et est très difficile à attraper même sʼil vole lentement. Il tourne souvent autour
de grands arbres comme les palmiers ou les manguiers actuellement en fleurs pour attirer
les femelles. Les femelles semblent se poser plus souvent que les mâles.
Parmi les papillons tropicaux, jʼai attrapé un Urania, deux Monarques, deux Flammes et
quelques autres dont je ne connais pas les noms.

Jʼai rencontré plusieurs fois le «Caballito del Diablo» ou Petit Cheval du Diable. Quand je
lʼai attrapé, jʼai remarqué que sʼétait une sorte de grosse fourmi avec des ailes noires, des
longues pattes et des antennes oranges. Des cubains mʼont dit quʼil piquait très fort, un
peu comme le frelon français, et que la douleur de sa piqure persistait pendant environ
sept jours.

Je nʼai rencontré personne qui chassait les papillons comme moi à Cuba. Mais les gens
sont toujours amusés de me voir avec mon filet !
En espagnol papillon se dit «mariposa».

La révolution cubaine... par Fidèle Gaston


Fidel Castro est un cubain qui nʼaimait pas que son pays soit dirigé par les Etats Unis.
Alors il a commencé à se rebeller avec son petit frère Raul, et ils se sont retrouvés en
prison. Après leur libération, il sont partis au Mexique où ils ont rencontré un médecin
argentin, Ernesto Guevera prêt à les aider à se battre pour que Cuba retrouve son
indépendance.
Avec dʼautres compagnons (ils sont 81) ils embarquent pour Cuba à bord dʼun petit
bateau, le Granma, et se cachent dans les montagnes. Petit à petit, ils avancent dans le
pays et ils arrivent à prendre le pouvoir le 1er janvier 1959 ! Pourtant les américains
étaient très nombreux à soutenir le président...
On est maintenant dans lʼan 56 de la Révolution, cʼest marqué sur le journal !

Ici, à Cuba, on voit que ce qui est bien cʼest que tout le monde va à lʼécole et peut étudier.
Il y a aussi des hôpitaux partout et on voit que les gens vivent vieux.
Par contre, il y a énormément de règles, les gens nʼont pas beaucoup de liberté : cʼest le
gouvernement qui leur donne un travail mais ils ne sont pas beaucoup payés, ils ont des
tickets pour acheter certains produits, par exemple la nourriture, ils nʼont pas le droit de
nous emmener sur leur bateau ou de nous inviter chez eux à dormir sans autorisation, etc.
Fidel Castro est toujours vivant mais il a passé le pouvoir à son frère Raul qui commence
à changer un tout petit peu les règles...

Ernesto Guevara était surnommé le «Che» car quand il parlait il disait souvent «Che» qui
signifie «mon pote». Il sʼest fait tué alors quʼil défendait une autre révolution en Bolivie...
Aujourdʼhui il est devenu le symbole de la révolution populaire. On le voit partout, sur des
T-shirts, des peintures, des tags, etc.

PS : Lʼhistoire de Cuba est finalement assez simple :
- Depuis très longtemps, lʼîle était peuplée dʼindiens, les Guanahatabey, puis les SIboney
et enfin les Tainos.
- Christophe Colomb découvre lʼîle le 27 novembre 1492, et fait des indiens ses
esclaves... jusquʼà ce quʼils meurent tous.
- En 1514, il y a 500 ans, Diego Velasquez crée les premières villes. Il organise lʼarrivée
dʼesclaves africains pour travailler dans les champs.
- 1886, lʼesclavage sʼarrête enfin.
- 1898, lʼEspagne donne son indépendance à Cuba ! Grace à une guerre menée par José
Marti, mais les Etats Unis sont très présents...
- Ensuite, le pays est gouverné par des cubains très proches des Etats Unis, dont
Fulgencio Batista qui sera président de 1940 à 1959.
- et depuis le 1er janvier 1959, Fidel Castro prend le pouvoir, cʼest la Révolution socialiste

Agenda 21... par Lucie

A Cuba, jʼai pu observer plusieurs choses concernant le développement durable de la
Terre pour mes camarades des ateliers Agenda 21 de La Source :
- A Vinales, les paysans cultivent du tabac ,ils font sécher les feuilles pour les rouler en
cigares. Mais les femmes retirent la «veine» centrale de chaque feuille séchée et les
hommes lʼutilisent comme engrais naturel dans les champs. Ca marche très bien !

- Partout sur les marchés pour touristes, ils vendent des sortes dʼappareil photo quʼils
fabriquent avec des canettes de boissons vides. Cʼest pour ça quʼon voit souvent des
monsieurs avec des grands sacs en train de ramasser les canettes qui sont jetées par
terre. Les appareils photos sont très rigolos !
- Lʼeau du robinet nʼest pas potable. Mais dans certaines maisons ou même restaurants,
on trouve de lʼeau filtrée à travers une grande vasque en pierre naturelle, au goutte à
goutte. Cʼest assez étonnant, lʼeau a bon goût !
- Dans les champs, il nʼy a pas de tracteurs. Les paysans labourent la terre avec deux
boeufs : ils les accrochent ensemble par les cornes, ce qui doit être énervant dʼavoir la
tête toujours collée à lʼautre, et il les guide avec des fouets. Cʼest efficace et ça ne pollue
pas !

- Par contre, dans la rue il y a beaucoup de vieilles voitures qui datent de lʼépoque
américaine et qui ont plus de cinquante ans. Elles sont très belles mais par contre elles
puent ! Il y a beaucoup de fumée qui sort quand elles roulent. Les cubains y sont
habitués, mais pas nous...

- Comme à Cuba il nʼy a pas beaucoup de poubelles dans les rues, souvent les gens, et
en particulier les jeunes, jettent leurs déchets par terre. Par exemple, quand on était à
Caleta Buena (très jolie plage) il y avait un groupe de jeunes qui buvait et jetait leurs
verres en plastique et leurs pailles par terre, cʼétait dégoutant... Et aussi parfois quand on
se promène dans la campagne on tombe sur des endroits dégoutants...
Mais Cuba est une île quand même magnifique !

Le jeu de Dominos, sport national cubain... par Emile

Dans la rue, voir même carrément sur la chaussée, devant les maisons ou dans les patios,
les cubains jouent toujours au même jeu : les dominos !

Les dominos cubains vont de 0 (vide) à 9, ainsi il y a 10 dominos par chiffre (par exemple
0-0; 0-1; 0-2; 0-3; 0-4; 0-5; 0-6; 0-7; 0-8; 0-9). Souvent chaque chiffre est inscrit dans une
couleur différente pour faciliter la lecture.
Le jeu se joue à quatre, en deux équipes de deux : les partenaires se mettent face à face
autour dʼune table.
On met tous les dominos sur la table à lʼenvers, on remue les pions et chacun en pioche
dix quʼil range sur un portant de façon à ce que les autres ne voient pas son jeu.

Pour démarrer le jeu, chacun pioche, dans les dominos restant sur la table, un pion et le
retourne. Celui qui a le plus de points joue en premier, ce qui est stratégique pour le jeu.
En effet, le premier va placer un pion qui doit indiquer à son partenaire les chiffres quʼil a
le plus dans son jeu. Son partenaire pourra alors essayer de jouer pour lui faciliter le jeu.

Ensuite chacun joue à son tour. On est obligé de jouer si lʼon peut, cʼest à dire si on a un
chiffre dʼune des deux extrémités du jeu. Si on ne peut pas jouer, on tape sur la table.

Quand une personne réussi à placer tous ses pions, son équipe a gagné ! On compte
alors les points quʼil reste dans les mains de lʼéquipe adverse et ces points sont gagnés
par lʼéquipe gagnante : quand elle aura atteint 150 points, elle aura gagné la partie !

Si personne ne peut plus placer de domino, le jeu est bloqué. Chacun retourne ses
dominos et celui qui a le moins de points en mains fait gagner son équipe.

Les gagnants démarrent le tour suivant, les partenaires sʼentendent pour savoir lequel des
deux posera le premier domino.

Les cubains jouent de manière très stratégique : ils comptent les pions dans leur tête et
arrivent même à savoir les pions quʼon a dans notre jeu ! Les parties sont très animées :
les gens crient parfois, se fâchent et rigolent !

Cʼest llillo, 74 ans, notre voisin à Playa Gijon, qui mʼa appris à jouer ! Cʼest génial...